04/04/2007

Il y a un an, la manif anti-CPE

Dans la manif, Paris, mardi 4 avril 2006

14h45. Dans le métro. Répartis sur le quai de la station République, sur la ligne 5, il y a 28 hommes en uniforme "RATP sûreté", accompagnés de trois chiens. A l'arrivée d'une rame, des jeunes gens à sweat et à casquette se font intercepter, les mains contre le mur. Une femme d'une quarantaine d'années élève sereinement la voix et proteste. Elle dit aux agents: "Pourquoi ? J'étais avec eux dans le train, ils n'ont rien fait de plus que les autres. Quand on voit des choses comme ça, vraiment, on se demande dans quel Etat on est…Moi j'ai des enfants monsieur, c'est pour eux que je me bats contre le CPE". L'incident est rapidement clos. Les jeunes, dûment palpés par les agents de sécurité, regagnent la sortie.

14h55. En surface, métro Jacques Bonsergent, à quelques centaines de mètres de la place de la République. Au supermarché, un CRS qui ressemble à Charles Pasqua, mais en plus rond et moins ventripotent, achète une boisson fraîche.

15h00. Place de la République. . C'est la traditionnelle ambiance merguez-frites-ballons. La place est jonchée de tracts du Snui: "Retrait du CPE et du CNE".

15h20. Place de la République. On croise par hasard des amis pas vus depuis des mois…

15h25. Place de la République. Un tract du Syndicat des avocats de France (SAF). "Notre mobilisation est non seulement un combat politique, mais également, parce que nous sommes avocats, un combat juridique. Les salariés et jeunes qui manifestent doivent savoir que ni le CNE, en vigueur depuis l'ordonnance du 2 août 2005, ni le CNE, son tout jeune petit frère, ne sont des contrats légaux.. (…) Le droit international protège aussi les salariés français et désormais mieux." Il est fait mention de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail.

15h28. Place de la République. Sur un bout de pelouse, un groupe de quatre jeunes s'en prend à un homme, sous prétexte de bousculade. On entend trois chocs sourds de coups de poing. Des adultes s'interposent rapidement et les agresseurs battent en retraite.

15h30. Place de la République. Un autocollant du PCF sur de nombreuses vestes: "De battre le pavé mon cœur s'est relancé". Jacques Audiard a dit beaucoup sur le monde du travail dans son film dont le titre a inspiré ce jeu de mots.

15h45. Place de la République. Duo de cornemuses dans le cortège CFE-CGC, reconnaissable à ses casquettes blanches.

15h50. Place de la République. Le cortège CFDT s'ébranle. "Vous êtes motivés à la CFDT ??" hurle l'animateur. Sur une banderole on lit une adaptation de CPE en "Couillonnade Pré-Electorale".

16h00. Dans l'entonnoir à l'entrée du boulevard du Temple, sous une pluie de petits tracts.

16h15. Boulevard du Temple, à hauteur du cirque d'hiver Bouglione, dans le pack Sgen-CFDT. Un reporter italien déambule au milieu de la manifestation en parlant dans son micro.

16h20. Boulevard du Temple. Un tract d'Alternative libertaire, qui date d'avant la manifestation du 28 mars, appelle à la grève générale, "recours à une véritable arme visant à acculer l'Etat et le patronat: le blocage de l'économie jusqu'à la victoire", "une alternative à un capitalisme qui chaque jour démontre sa faillite".
Un peu plus loin, distribution d'autocollants "La droite doit partir, la gauche doit s'unir". Siglé PRS (Pour la République Sociale, le club du sénateur PS Jean-Luc Mélenchon).

16h25. Boulevard du Temple. La conductrice du véhicule porte-ballons du Sgen-CFDT explique qu'elle a mal à la cheville parce qu'elle passe son temps en position embrayée.

16h30. Boulevard du Temple. Une source proche des fils d'agences nous apprend que la manifestation parisienne rassemble 700.000 personnes selon les syndicats.

16h40. Boulevard Beaumarchais. On dépasse le pack FCPE (Fédération des conseils de parents d'élèves) et ses drapeaux blancs. Pour deux euros, le n°1 du mensuel "Le Plan B" (ex-PLPL) nous propose un dossier sur "la question sociale ensevelie sous les faux débats" et une utile "carte du Parti de la presse et de l'argent".

16h45. Boulevard Beaumarchais. Enfin un autocollant sur la poitrine: "Chirac, Villepin, Sarkozy, votre période d'essai, elle est finie". Y figure le Premier ministre bâillonnant un jeune, pastiche d'une affiche de mai 1968 avec de Gaulle: "Sois jeune et tais-toi". On chante: "Si t'es contre le CPE tape dans tes mains…"

16h50. Boulevard Beaumarchais. Une pancarte d'avril-mai 2002 portée par une manifestante: "On a voté comme des pieds, maintenant on marche." La sono du véhicule "Jeunesses communistes", animé par des adolescentes de 15-16 ans, diffuse "Antisocial" de Trust (album "Répression", 1980). "Tu bosses toute ta vie pour payer ta pierre tombale / Tu masques ton visage en lisant ton journal /Tu marches tel un robot dans les couloirs du métro / Les gens ne te touchent pas faut faire le premier pas"

16h55. Boulevard Beaumarchais. Une lycéenne de Picardie jette un œil aux présentes notes. Son lycée est bloqué, ce matin elle était à Creil et là elle a retrouvé des copains dans la manif, mais pas de son lycée parce qu'elle les a perdus.

17h05. A l'angle de la rue du Pasteur Wagner. People. Le directeur de Marianne Jean-François Kahn est interviewé par une équipe de télévision. Un attroupement se forme.

17h15. Boulevard Beaumarchais. La sono du véhicule des Jeunesses communistes crachote "Porcherie" des Bérurier Noir (album live "Viva Bertaga", 1989). "Flic-Armée Porcherie / Apartheid Porcherie / Dst Porcherie / Et Le Pen Porcherie" (Ecouter)

17h20. A l'approche de la place de la Bastille. Un coup de frais. On chante sur l'air de "Il était un petit navire": "Il était un Premier ministre qui n'avait jamais gouverné, ohé ohé…".

17h30. Place de la Bastille. People. La secrétaire nationale du PCF Marie-George Buffet distribue des autocollants "De battre le pavé mon cœur s'est relancé".

17h40. Boulevard de la Bastille. Le rythme des marcheurs s'accélère nettement. Retour de la banderole "Couillonnade pré-électorale". Les deux porteuses de banderole entonnent à moult reprises une chanson paillarde inédite. "Sarkozy ton zizi / Dans Villepin va et vient / CPE ton gros nœud / les aura tous les deux".

17h45. Boulevard de la Bastille. People. On croise Patrick Braouezec, député de Seine-Saint-Denis et président de l'agglomération Plaine Commune.

17h50. Pont d'Austerlitz. L'arrivée place d'Italie est en vue. On ne traîne plus des pieds, le cortège se distend.

18h00. Boulevard de l'Hôpital. La sono des Jeunesses Communistes interrompt "La Boulette" de Diam's pour annoncer 900.000 manifestants à Paris, plus de trois millions dans toute la France.

18h10. Boulevard de l'Hôpital. La sono des JC diffuse "L'Internationale". Plusieurs poings se lèvent, mais à part "C'est la lutte finale", peu de manifestants connaissent les paroles.

18h20. Boulevard de l'Hôpital. L'animateur du véhicule du MJS (Mouvement des jeunes socialistes) annonce la dislocation du cortège et remercie les nombreuses fédérations des Jeunes socialistes en Europe et en Ile-de-France qui ont aidé à organiser la manifestation.

18h30. Métro Gobelins. "En raison d'un mouvement social, le trafic est perturbé sur la ligne 7". Une rame arrive opportunément, plus que bondée. Elle s'arrêtera à cinq stations sans prendre un seul passager, tous refoulés à grands cris de "Oooh non ! Dégage !".

19h00. Rue du Havre. Un groupe de jeunes estampillés d'autocollants jaunes et rouges poursuit la manifestation loin du cortège aux cris de "Les jeunes répondent : Ré-si-stance !". Deux clochards, une canette à la main, les interpellent: "Eh la révolution c'est pas tout casser, ce qu'il faut, c'est tous arrêter de travailler ! T'imagines ?!"

20h30. Chez moi. Lu sur le web, une première estimation de la préfecture indique 55.000 manifestants à Paris.

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